Le sérieux de l'idée d'un poème musical
Le sérieux de l'idée d'un poème musical
Dans son fameux art poétique de 1874, Verlaine écrit pour commencer :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »
Ainsi la modernité poétique a-t-elle pu tenter de substituer au modèle pictural déduit de l’Art poétique d’Horace (ut pictura poesis) un modèle musical que nuancent pourtant de nombreuses références modernes à la peinture et à l’image pour penser « le propre du poème », notamment chez Apollinaire et sa descendance.
L’attirance des poètes pour la musique est le symétrique exact de l’attirance de la musique pour la poésie (Lieder et mélodies le prouvent en particulier). Pourquoi cette musicalité du poème est-elle paradoxale, Baudelaire en venant à songer bizarrement à « une prose musicale sans rythme et sans rime » au seuil de ses Petits poèmes en prose? Pourquoi le caractère poétique de la musique est-il au moins aussi paradoxal ou contradictoire? Comment expliquer la tendance de nombre de poètes à désirer un au-delà des mots et à envier la « musique pure »? Comment comprendre le besoin souvent constaté des compositeurs à employer les mots pour y déployer leur musique ? Pourtant, Hegel spécialement y insiste même si, après Lessing, il définit les deux arts des « arts du temps » : l’élément musical « avant toute chose » ne peut définir la poésie et la musique ne peut, en toute rigueur, être dite poème…
Philippe Beck est poète et maître de conférences en philosophie à l’université de Nantes. Il collabore avec des musiciens et compositeurs contemporains, notamment pour l’opéra Pastorale de Gérard Pesson en 2006 et 2009. Ce dernier a mis en musique des Chants populaires pour l’ensemble vocal Accentus de Laurence Equilbey en 2008. En 2013, l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Kent Nagano crée l’œuvre symphonique de Maxime McKinley d’après Dans de la nature. De 2012 à 2015, Ph. B. préside la Commission de poésie du Centre national du livre. En 2013, un colloque international est consacré à son œuvre à Cerisy-la-Salle. En 2015, il reçoit le Grand prix de poésie de l’Académie française et il est nommé chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres pour l’ensemble de son œuvre. Sa poésie est publiée principalement aux éditions Flammarion et est traduite dans de nombreux pays.
- Entrée gratuite pour les membres, étudiants et moins de 18 ans
Entrée pour les non-membres CHF 20.-